Stalag VII A: Témoignages |
Yves Jean Suel |
Témoignage d'un fils de prisonnier françaisPar Pierre SuelMercredi 8 février 2006 Mon père Yves Jean SUEL né le 28 septembre 1905 ; menuisier ébéniste dans le sud de l'Ardèche y habitait encore lui et sa famille, en septembre 1939. Soldat au 7 me Génie d'Avignon. Mobilisé le 9 septembre 1939, il a rejoint son régiment, le 7 me Génie d'Avignon notamment spécialisé dans la construction de ponts de bateaux : Manoeuvres avant la guerre. Il est parti aux armées le 15 septembre 1939 avec le
cinquième bataillon de pontonniers, première compagnie. Mon père se souvenait d'un pilonnage par les canons de 77 allemands alors qu'ils s'étaient installés dans une petite maison. Envoyé par ses camarades au sous-sol pour chercher à boire, il les retrouva gravement blessés par la canonnade. Il dut négocier avec des anglais de passage avec une ambulance pour faire évacuer ces blessés français. S'agissant d'une unité avignonnaise, certains officiers étaient des officiers de réserve originaires des départements limitrophes. Le 5 ème bataillon de pontonniers était sous les ordres du commandant Farget et la première compagnie était commandée par le Capitaine Pont qui fut remplacé par le Capitaine Maurin au mois de Janvier 1940. Le Capitaine Maurin blessé courant Mai 1940, le Lieutenant Cambefort assura le commandement de la compagnie jusqu'à sa capture le 29 mai 1940. Après avoir déposé au sol, armes, munitions et certains équipements jugés inutiles, le « voyage » vers l'Allemagne commença, à pied, accompagné par des soldats allemands à bicyclette. Tout arrêt, y compris pour des besoins naturels pouvait se solder par une rafale de pistolet mitrailleur. Notons que ces soldats allemands étaient à peine nourris et qu'ils grignotaient du pain noir (schwarzbrot) tout en pédalant. La guerre éclair était assurément victime de problèmes d'intendance. Inutile de préciser que le ravitaillement des prisonniers n'avait pas été prévu et que la faim tenaillait ces jeunes hommes. L'embarquement dans des wagons de marchandise eut lieu après plusieurs jours de marche. Mon père se souvenait encore de civils qui jetaient du pain dans les wagons depuis les ponts, le partage se faisant de manière équitable. Un tout jeune soldat a été menacé par ses camarades parce qu'il a dévoré un morceau de pain qui n'a pu ainsi être partagé. Avant de rejoindre le Stalag VII A en Bavière, il nous citait une halte dans un camp « tout neuf » tapissé d'une herbe fraîche que certains dévoraient pour calmer leur faim. On peut imaginer les conséquences d'une telle nourriture. Au Stalag VII A, il leur fut servi une sorte de bouillon dans lequel flottaient quelques morceaux de viande que les plus affamés dévoraient s'ils avaient la chance d'en recevoir un. Il leur était donné aussi un morceau de pain noir (schwarzbrot). Il avait aussi rencontré des prisonniers Russes qui lui avaient enlevé toutes ses illusions sur le régime Soviétique. Mon père fut ensuite affecté au KOMMANDO 383 à Altenerding. Il avait noté les adresses en France de ses proches camarades du KOMMANDO 383 à Altenerding :
Le local de ce Kommando était gardé la nuit par un soldat allemand et les incidents étaient fréquents. Ces soldats étaient souvent des blessés du front de Russie soignés à l'Hôpital de Munich et en période de convalescence. L'ensemble des prisonniers de ce Kommando travaillait dans une grande ferme d'état dirigée par une femme adhérant au parti nazi et dont le mari était au front (Russie ?). Elle ne jouissait pas d'une bonne réputation auprès des prisonniers et du personnel allemand. En 1945, elle fut arrêtée par les américains. Mal nourris à la ferme, les prisonniers prélevaient de la nourriture lors de leurs travaux (poulets par exemple) et les cuisaient le soir dans le local du Kommando. Ils avaient réussi à se procurer un vieux poste de radio et ils tentaient d'écouter des radios libres comme Londres par exemple. Mon père se rendait souvent à Munich avec un attelage à cheval afin de livrer du lait. Un jour il a été sérieusement blessé à la main, une jument ayant fait un écart en croisant un autre attelage. Il fut soigné à l'hôpital de Munich. Voici un document datant de la fête de Noël 1943 : Le menu écrit au verso pratique un humour bien inspiré de leur situation et de leurs espoirs : Mon père m'a raconté aussi avoir assisté aux essais des prototypes des premiers avions à réaction (sans doute des Messerchmitt Me P-1001 de 1945.) Ces avions devaient essayer de se poser sur la base d'Erding et l'un deux a atterri dans les champs ou travaillaient les prisonniers ; le pilote était mort. Il m'a parlé aussi de ces tout jeunes soldats allemands, 16 ans, qui servaient les batteries antiaériennes de la base d'Erding (Flak). L'actuel Pape Benoît XVI (Cardinal Joseph Ratzinger) témoigne et raconte dans un livre publié en 1998 sous le titre français « Le sel de la terre » qu'il avait été mobilisé en 1943 pour servir dans la défense antiaérienne non loin de là, à Gilching, près de l'Ammersee et de l'usine d'aviation d'Oberpfaffenhohen ou étaient construits ces avions et d'où ils décollaient. Les américains avaient semble-t-il largué des tracts dans les langues des prisonniers de guerre pour leur recommander de ne pas aller au devant des troupes de choc U.S. afin d'éviter toute méprise. C'est un officier américain parlant français qui est venu les libérer. Il s'est beaucoup intéressé au comportement des habitants durant la guerre. Le 1er Mai 1945, le document d'évacuation aérienne suivant a été établi par l'U.S. Army : Epilogue :Dès son retour en France, mon père est entré à l'Ecole de Gendarmerie de Romans et ses connaissances en langue allemande lui ont sans doute valu d'être affecté à la 2e Légion de gendarmerie d'occupation à Reutlingen (Wurtemberg) se trouvant dans la Zone Française d'Occupation en Allemagne. J'ai donc fait la rentée scolaire, le 1er octobre 1946, à l'Ecole française de Reutlingen, donnant sur la Planie (ex- Adolf Hitler Platz). Mon père a aussi été quelques temps de garde à la prison de Spandau à Berlin (prisonniers Nazis de haut rang). IL a effectué des transferts au camp de déportation de Dachau de personnes à interroger dans le cadre d'enquêtes. Il fut en poste à: Münsingen; Singen Hohentwiel, Horb am Neckar. Il est revenu en France en 1956. Il n'a jamais souhaité retourner au VII A qu'il disait avoir trop vu ! Il m'apprit à aimer « malgré tout » l'Allemagne et son peuple. Vivre dix ans en R.F.A. nous y a aidés. Source:
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